Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t2.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
LE SECRET

tes : et quelle triste, utilitaire, honteuse existence devra mener le sexe fort.

Milady n’était en aucune façon un esprit fort. Les étoiles de diamants entassées sur ses doigts blancs scintillaient çà et là parmi le service à thé, et elle courba sa jolie tête sur la merveilleuse boîte à thé indienne de bois de sandal et d’argent avec autant d’attention que si la vie n’avait pas de but plus élevé que l’infusion de Bohéa.

« Prendrez-vous une tasse de thé avec nous, monsieur Audley ? demanda-t-elle, s’arrêtant, la théière dans la main, pour lever les yeux sur Robert qui était debout près de là porte.

— S’il vous plaît.

— Mais vous n’avez pas dîné, peut-être ? Sonnerai-je pour vous faire apporter quelque chose de plus substantiel que des biscuits et des tartines transparentes ?

— Non, je vous remercie, lady Audley. J’ai pris une légère collation avant de quitter Londres ; je ne veux vous déranger pour rien autre chose qu’une tasse de thé. »

Il s’assit à la petite table et regarda de l’autre côté sa cousine Alicia, un livre sur ses genoux, ayant l’air d’être très-absorbée par sa lecture. Le teint éclatant de la brunette avait perdu son vif cramoisi, et l’animation des manières de la jeune fille avait disparu… en raison de la maladie de son père, sans aucun doute, pensa Robert.

« Alicia, ma chère amie, dit l’avocat après avoir bien contemplé à loisir sa cousine, vous ne paraissez pas bien portante.

— Peut-être pas, répondit-elle d’un air dédaigneux. Qu’importe cela ? Je suis en train de devenir un philosophe de votre école, Robert Audley. Qu’importe ? Qui se met en peine de savoir si je suis bien portante ou malade ?