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DE LADY AUDLEY

mais la dame qui perd les beaux meubles de la maison qu’elle est forcée d’abandonner et vient étaler dans un logement plus petit les épaves sauvées du naufrage par quelque ami généreux, amène avec elle cette espèce de misère élégante qui résume ce que le pauvre a de plus désolant.

La chambre qu’examinait Robert Audley était meublée avec les tristes débris que l’imprudente maîtresse de pension de Crescent Villas avait enlevés au moment de sa ruine. Un piano, une chiffonnière six fois trop grande pour l’appartement, et une table de jeu placée au milieu, étaient les objets les plus importants. Un tapis de Bruxelles couvrait le milieu de la chambre et étalait des roses et des lis qui se dessinaient sur un fond vert fané. Les fenêtres étaient garnies de rideaux, et des corbeilles en fil de fer tressé y étaient suspendues ; elles contenaient des plantes du genre cactus qui poussaient dans tous les sens, comme quelques espèces de végétation en démence, dont les membres armés de piquants comme des araignées ont une disposition de passer par-dessus leurs têtes.

La table de jeu était couverte de livres magnifiquement reliés et placés à angles droits ; mais Robert ne mit pas à profit ces distractions littéraires. Il s’assit sur une chaise à la mode de l’ancien temps, et attendit tranquillement l’arrivée de la maîtresse de pension. Dans la salle à côté, il entendait le murmure d’une demi-douzaine de voix et des variations peu harmonieuses sur un piano dont toutes les cordes semblaient prêtes à casser.

Il y avait environ un quart d’heure qu’il était assis, lorsque la porte se rouvrit et livra passage à une dame en grande toilette, dont la beauté n’avait plus que le faible éclat d’un soleil couchant.

« Monsieur Audley, je suppose, dit-elle en faisant signe à Robert de se rasseoir et s’asseyant elle-même