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DE LADY AUDLEY

savantage de miss Graham, et je n’ai pas lieu de faire un mystère du peu que je sais.

— Alors dites-moi, s’il vous plaît, à quelle date cette jeune fille entra chez vous ? »

Mistress Vincent sourit et secoua la tête. Elle avait un joli sourire, — le sourire franc d’une femme habituée à être admirée et qui est trop sûre de plaire pour que les revers de fortune lui enlèvent tout courage.

« Il est tout à fait inutile de me demander pareille chose, monsieur Audley ; je suis l’être le plus insouciant du monde ; je n’ai jamais pu me rappeler les dates, quoique je fasse mon possible pour convaincre mes élèves de l’importance qu’elles doivent attacher, dans l’intérêt de leur avenir, à la date précise du règne de Guillaume le Conquérant et à beaucoup d’autres du même genre. Je n’ai pas la moindre idée de l’époque à laquelle miss Graham entra chez moi ; Je sais seulement qu’il y a longtemps et que c’était en été, car j’avais ma robe rose couleur de fleur de pêcher. Nous allons consulter Tonks… Tonks doit avoir la date dans la mémoire. »

Robert Audley se demanda ce que pouvait être ce ou cette Tonks ; un journal ou un agenda, — quelque rival obscur de Letsome.

Mistress Vincent sonna, et la servante qui avait introduit Robert parut.

« Dites à miss Tonks de venir, j’ai à lui parler en particulier. »

En moins de cinq minutes, miss Tonks se montra. Elle avait une figure tellement froide, qu’on aurait dit qu’elle apportait un courant d’air dans les plis de sa robe en mérinos sombre. Elle n’avait pas d’âge ; elle semblait n’avoir jamais été plus jeune, et ne devoir jamais vieillir. Elle paraissait destinée à fonctionner éternellement comme une machine à instruire les jeunes filles.