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DE LADY AUDLEY

Je passai là-dessus parce que miss Graham ne tenait pas à l’argent. Elle me dit qu’elle s’était querellée avec son père, et qu’elle voulait vivre loin de toutes les personnes qu’elle avait connues. Elle avait beaucoup souffert, et désirait éviter de nouveaux chagrins. Comment, en pareil cas, lui demander une recommandation, surtout en la voyant si convenable pour l’emploi. Vous savez, Tonks, que Lucy Graham était tout à fait comme il faut, et c’est mal à vous de trouver mauvais que je l’aie reçue chez moi sans renseignements.

— Quand on veut avoir des favorites, on s’expose à être trompée par elles, répondit miss Tonks d’un ton glacée et sans se préoccuper des paroles de mistress Vincent.

— Elle n’a jamais été ma favorite, Tonks. Vous êtes une jalouse. Ai-je jamais dit qu’elle m’était aussi utile que vous ?

— Non. Elle n’était pas une utilité, elle était un ornement à montrer aux visiteurs ; elle faisait bonne figure au piano du salon.

— Alors vous ne pouvez me renseigner sur les antécédents de miss Graham ? » demanda Robert interrogeant de l’œil les deux femmes.

Il voyait clairement que miss Tonks avait porté envie à miss Graham, — et que sa rancune ne s’était pas calmée avec le temps.

« Si cette femme sait quelque chose de préjudiciable à lady Audley, elle me le dira, songeait-il ; oui, elle me le dira d’elle-même. »

Mais miss Tonks ne paraissait pas savoir grand’chose. Elle avouait que miss Graham s’était posée plusieurs fois en victime, en disant qu’elle avait souffert par la faute d’autrui et qu’elle avait été réduite à la misère. Mais ces renseignements se bornaient là, et bien qu’elle les utilisât de son mieux, Robert s’a-