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LE SECRET

de terre plus riants avant que l’avocat fût revenu à lui et eût ramassé son portemanteau, découvert avec peine au fond d’un wagon plein de bagages et éclairé par une seule lanterne.

« Est-ce que les colons de l’Amérique du Nord se trouvent aussi dépaysés que je le suis ce soir ? » se demanda-t-il en essayant de voir clair dans les ténèbres.

Il appela un des facteurs et lui montra son porte-manteau.

« Voulez-vous me porter cela à l’hôtel le plus voisin, lui dit-il, et pourrai-je y trouver un lit ? »

Le facteur se mit à rire en soulevant le porte-manteau.

« Vous aurez trente lits, si cela vous plaît, répondit-il. Les hôtels de Wildernsea chôment en cette saison. Par ici, monsieur. »

Le facteur ouvrit une porte, et Robert Audley se trouva sur une pelouse qui s’étendait tout autour d’un immense bâtiment dont deux fenêtres seulement étaient éclairées ; et comme elles étaient très-loin l’une de l’autre, elles ressemblaient chacune à la lueur rouge d’un phare au milieu de la nuit.

« C’est ici l’hôtel Victoria, monsieur, lui dit le facteur. Vous ne sauriez croire combien de monde nous avons eu cet été. »

En voyant la pelouse privée de sa verdure, les kiosques en bois déserts et les sombres fenêtres de l’hôtel, il était en effet difficile de s’imaginer que la gaieté pût jamais régner en pareil endroit ; mais Robert Audley écouta de bonne grâce ce qu’il plut au facteur de lui dire, et suivit tristement son guide vers une petite porte du grand hôtel. Par cette porte on entrait dans une salle confortable où les visiteurs peu fortunés trouvaient, en été, les rafraîchissements qu’ils désiraient prendre sans être exposés aux regards narquois des