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Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t2.djvu/75

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DE LADY AUDLEY

Le crépuscule d’hiver, qui vient de si bonne heure, commençait à tout envahir, et les branches des arbres, qui s’enchevêtraient, se dessinaient en noir sur le ciel gris et froid. L’allée des tilleuls vue à pareille heure ressemblait à un cloître.

« Pourquoi m’amenez-vous dans cet endroit où j’ai peur ? dit milady d’un ton boudeur. Vous savez bien que je suis nerveuse.

— Vraiment, vous êtes nerveuse, milady ?

— Oh ! affreusement. Je suis une vraie fortune pour le pauvre M. Dawson. Il passe sa vie à m’expédier du camphre, des sels volatils, de la lavande rouge et toute espèce de drogues abominables qui ne me guérissent pas.

— Vous souvient-il de ce que Macbeth dit à son médecin, milady ? demanda Robert d’une voix grave. M. Dawson a beau être plus habile que le médecin écossais, il ne peut rien contre un esprit troublé.

— Qui vous a dit que mon esprit était troublé ?

— C’est moi qui le dis. Vous m’avouez que vous êtes nerveuse et que tous les remèdes ne vous font aucun effet. Laissez-moi être votre médecin, lady Audley ; je déracinerai le mal. Le ciel m’est témoin que je ne suis pas impitoyable. Je vous épargnerai autant qu’il sera en mon pouvoir ; mais il faut que justice soit faite aux autres… il faut que justice soit faite. Voulez-vous que je vous dise pourquoi vous êtes nerveuse dans cette maison, milady ?

— Si vous pouvez, répliqua-t-elle avec un petit éclat de rire.

— Parce que pour vous cette maison est hantée.

— Hantée !

— Oui, hantée par l’esprit de George Talboys. »

Robert Audley entendit la respiration précipitée de milady ; il lui sembla même qu’il entendait les battements rapides de son cœur pendant qu’elle frissonnait