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Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t2.djvu/83

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DE LADY AUDLEY

« Que Dieu lui pardonne, pensa-t-il, à cette pauvre malheureuse créature. Elle sait maintenant qu’elle est perdue. Les juges de mon pays éprouvent-ils les mêmes émotions que moi quand ils mettent leur toque noire et condamnent à mort le coupable qui ne leur a jamais fait aucun mal ? Est-ce une indignation vertueuse qu’ils ressentent ou bien cette angoisse poignante qui me torture en face de cette femme sans appui ? »

Il marcha pendant quelques minutes à côté de milady. Ils avaient monté et descendu l’avenue obscure, et se trouvaient maintenant tout près d’un bosquet sans feuillage, à un bout de l’allée des tilleuls, — le bosquet où se cachait le puits en ruines sous des ronces entrelacées.

Un sentier tortueux, complètement négligé et à moitié obstrué par les herbes parasites, conduisait à ce puits. Robert abandonna l’allée et prit ce sentier. Il faisait plus clair dans le bosquet que dans l’avenue, et M. Audley voulait voir la figure de milady.

Il ne dit pas un mot jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés sur un tertre gazonné à côté du puits. Les briques de la construction en ruines étaient tombées çà et là, et des fragments de maçonnerie étaient enfouis sous les ronces. Les poteaux qui avaient soutenu la chaîne étaient encore debout, mais la barre en fer qui les reliait avait été arrachée et jetée à quelques pas du puits, où elle se rouillait dans le sable.

Robert Audley s’appuya contre un des poteaux couverts de mousse et regarda la figure de milady, qui lui sembla fort pâle à la lueur du crépuscule d’hiver. La lune venait de se lever, son disque lumineux apparaissait dans le ciel gris, et sa lumière fantastique se confondait avec les derniers rayons du jour. La figure de milady ressemblait en tous points à celle de la sirène que Robert avait vue surgir au sein