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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/107

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LES OISEAUX DE PROIE

rencontrer aussi souvent dans le cœur de cette grande ville dépravée que dans le plus innocent village. Avec des gens aussi cordiaux, je ne pouvais faire autrement que d’agir cordialement.

« — Je crains de vous paraître importun, M. Sparsfield, lui dis-je, mais je ne doute pas que vous ne me pardonniez, lorsque vous saurez que l’affaire dont je m’occupe a pour moi une importance vitale, et que votre aide peut m’être d’un grand secours pour la conduire à bonne fin.

« M. Sparsfield senior m’affirma qu’il avait toujours été prêt à aider ses semblables, et eut l’amabilité d’ajouter qu’il avait de la sympathie pour moi. Je suis depuis quelque temps devenu si sensible en matière de sentiment, que je m’empressai de le remercier de sa bonne opinion, après quoi je lui fis connaître que j’allais mettre sa mémoire à l’épreuve.

« — Et ce n’est pas une mémoire de pacotille, s’écria-t-il gaîment en croisant les mains sur ses genoux. N’est-ce pas, que j’ai une bonne mémoire, Tony ?

« — Il y en a peu de meilleures, mon père, répondit le respectueux Anthony junior. Votre mémoire est de beaucoup meilleure que la mienne, j’en suis très-persuadé.

« — Ah ! dit le bonhomme, en riant de bon cœur, c’est qu’on vivait autrement de mon temps. Il n’y avait pas de gaz, il n’y avait pas de chemins de fer, et les commerçants de Londres se contentaient de vivre des années dans la même maison. Maintenant, il faut qu’un commerçant aille faire sa tournée à l’étranger comme un prince de la famille royale, qu’il s’en aille ici et là, et quand il a été partout, il ne sait plus lire que les journaux. Les gens restaient chez eux de mon temps, mais ils y faisaient leur fortune, ils conservaient leur