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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/156

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LES OISEAUX DE PROIE

Peut-être une jeunesse aussi débraillée que la mienne n’admet-elle pas de rédemption !

« J’ai été un dernier moment en tête-à-tête avec la chère enfant pendant que je prenais le calque de la vieille Bible. Elle était assise près de moi, me causant plus ou moins de distraction dans mon travail, et, en dépit des ombres que le doute avait jetées dans mon esprit, je ne pouvais me refuser au bonheur que me faisait éprouver sa présence.

« Lorsque j’en fus à l’inscription relatant la mort de Susan Meynell, ma Charlotte passa subitement de sa gaieté habituelle à une gravité pensive.

« — J’ai été très-fâchée que vous ayez parlé de Susan Meynell à mon oncle Joseph, dit-elle en réfléchissant.

« — Et pourquoi, ma chérie ?

« — Il y a une très-triste histoire qui a rapport à ma tante Susan… Elle était ma grand’tante, vous savez, dit Charlotte avec un grand sérieux. Elle a quitté la maison et y a causé un grand chagrin. Je ne puis raconter cela, même à vous, Valentin, car il me semble qu’il y a quelque chose de sacré dans ces pénibles secrets de famille. Ma pauvre tante Susan a quitté tous ses amis et est morte longtemps après à Londres.

« — On dit qu’elle est morte sans se marier ? repris-je.

« Cela était une question capitale au point de vue de Sheldon.

« — Oui, répliqua Charlotte en rougissant beaucoup.

« Cette émotion me parut très-significative.

« — Il y a quelqu’un qui a causé le malheur de la pauvre femme, dis-je, quelqu’un sur qui retombent tous les torts ?

« — C’est vrai.