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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/263

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LES OISEAUX DE PROIE

pouvoir aider sa fiancée… sa femme ! à traverser la boue, le gâchis des rues ! Ce court voyage lui semblait être le symbole de ce que serait leur existence dans l’avenir. Elle aurait à marcher à pied sec dans les sentiers fangeux de la vie de ce monde, soutenue par ses bras vigoureux. Il examinait sa toilette, n’en perdait pas un détail.

« Je ne veux plus jamais me moquer de ces petits chapeaux, Charlotte, lui disait-il. Ce velours noir, cette botte de fougère qui soutient les cheveux sont d’un effet divin. Il y a, dans l’ordonnance de cette coiffure un art supérieur. Oui, votre chapeau est parfait. Quant à votre jaquette, c’est un rêve !

— Valentin, ne dites donc pas de folies, dit en riant la jeune fille.

— Comment puis-je m’empêcher de dire des folies ? Votre présence m’éblouit comme le bouquet d’un feu d’artifice. Cependant vous ne savez pas, Charlotte, combien j’ai de tourments et d’inquiétudes qui devraient me rendre sérieux, s’écria le jeune homme avec une brusque énergie. Croyez-vous que vous pourriez jamais arriver à vous défier de moi ?

— Valentin ! Est-ce que je crois que je serai jamais reine d’Angleterre ? L’une des deux choses est aussi probable que l’autre.

— Mon cher ange, si vous voulez seulement avoir toujours confiance en moi, il n’y a pas de puissance au monde qui soit capable de nous rendre malheureux. Supposons que vous vous trouviez tout à coup en possession d’une grande fortune, Charlotte, quel usage en feriez-vous ?

— Je vous achèterais une bibliothèque aussi belle que celle du British Museum, et vous n’auriez plus besoin d’y passer toute votre vie.