Aller au contenu

Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome II.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
LES OISEAUX DE PROIE

chez les anciens, que le plus heureux homme du monde était celui qui n’était jamais né ; et le plus heureux après celui-là, celui qui mourait le premier. Sur quoi, le docteur Johnson s’est écrié très-haut et avec colère :

« — Cela est un sentiment païen, monsieur, et je suis honteux de voir un gentleman chrétien le répéter avec admiration. Entre les païens et ceux qui suivent la doctrine du Christ il y a autant de différence qu’entre un esclave et un loyal serviteur qui sert un bon maître. Chacun d’eux porte un fardeau semblable, mais le serviteur sait qu’il recevra sa juste récompense, tandis que l’esclave n’espère rien et par cela seul en conclut que le plus grand bonheur pour lui c’est de ne pas travailler.

« Je ne pus m’empêcher d’approuver la sagesse et la piété de ce discours, mais, à la vue de tout un peuple en deuil, j’enviai le sort du jeune général, sa mort glorieuse ; j’aurais voulu être parmi les victimes sur les hauteurs de Québec. J’ai été voir la veille maison dans J. Str., mais je n’ai pas voulu y entrer pour voir M. F***, et nos anciennes chambres, car j’aurais craint une apparition de ceux qui les ont habitées autrefois. C*** travaille à Highgate, où elle est en très-bon air. Je vais la voir souvent. Elle est presque aussi grande que vous. Présentez mes compliments à Mlle Rébecca, puisque vous dites que cela fera plaisir à mon père et qu’il est maintenant disposé à avoir meilleure opinion de moi. Mais s’il pense que jamais je la demanderai en mariage, il s’abuse tout à fait. Vous savez où repose mon cœur, dans une tombe avec tout ce qui a contribué à me rendre la vie chère. Remerciez mon père de l’argent qu’il m’a envoyé, dites-lui que je