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adolphe brassard

— T’en fais pas. Pour tous, le baptême du feu nécessite presque toujours un peu d’eau à la fin.

Il rit, nerveux.

Et comme le feu semble diminuer d’intensité, il se remet tout à fait.

— J’ai eu peur, avoue-t-il à regret.

— Et comment ! Tous, nous avons eu peur ; ça n’épargne personne.

— La prochaine fois, je serai brave.

— Sûrement, tu seras brave, je sais.

Pour d’autres, la prochaine fois, c’est plus tard ; pour lui, ça arrive aussitôt. À travers le vacarme clame le tocsin avertisseur : « Les bombes asphyxiantes ! Mettez les masques ! »

— Respire lentement, petit, à doses mesurées. Ne bouge pas ; ne te colle pas contre terre ; lève-toi plutôt.

Je lui ajuste son masque, et je mets le mien.

En vagues mortelles, les gaz se déroulent, s’appesantissent dans tous les replis de terrain, dans tous les recoins des tranchées, C’est la mort muette qui