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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

des puissances supérieures, quand elle n’a pas de place pour ce qui est saint, pour ce qui est beau. Un homme avancé en âge, assis à côté de moi, qui crachait d’une manière affreuse, mais dont la physionomie était honnête et bonne, se chargea plus particulièrement de me répondre ; mais son dire et celui de quelques autres confirmèrent encore davantage mon impression relativement au point de vue nébuleux où leur intelligence s’était placée. C’est pourquoi je gardai le silence après avoir exprimé ma pensée. Comme d’autres, j’espérais que Channing prendrait la parole ; il n’en fit rien, se bornant à nous écouter, sa tête expressive et son regard méditatifs tournés vers les interlocuteurs.

On nous pria ensuite, Bergfalk et moi, de parler suédois, afin de se faire une idée de « cette singulière langue étrangère. » Nous nous assîmes donc en face l’un de l’autre et nous parlâmes suédois, à la grande satisfaction de nos auditeurs attentifs.

Ensuite la jeunesse me demanda encore de faire un peu de musique.

Nous devions partir le jour suivant à l’heure du dîner. Dès le matin, une demi-douzaine de jeunes filles s’emparèrent de moi et me conduisirent dans tous les ménages, dans toutes les maisons, pour faire de la musique à toutes les grand’mères du Phalanstère, et sur tous les pianos, au nombre de six ou sept environ. Les jeunes enfants furent tellement émus par mes marches et mes polonaises, qu’ils rirent et pleurèrent en même temps. Je dois ajouter que la musique étant encore au maillot dans le Phalanstère, cela explique l’effet que la mienne produisit. Les enfants sont extraordinairement vivaces ; les plus jeunes surtout étaient les plus gentils. Tous sont magnifiques et nulle-