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LA VIE DE FAMILLE

Le véritable génie ne manquera pas de percer en son temps, de produire des feuilles et des lauriers,

« Car c’est un dieu qui connaît sa route et celle qui sort des nuages. »

Après une tournée dans cet établissement et un déjeuner dans la famille dont il porte le nom, qui paraît être l’une des riches et fashionables de la ville, j’ai dîné chez les Norris, dont tu te souviens sans doute pour les avoir vus à Orsta ; ils m’ont offert amicalement leur maison et voulaient me conduire à l’Opéra le soir. Mais, mademoiselle Lynch devant avoir une grande réunion pour faire exhibition de ma personne, je suis retournée chez elle, où j’ai joué mon rôle de perroquet jusqu’à minuit devant une grande foule. Ces exhibitions ne laissent pas que d’être bien fatigantes ; il me faut répondre cent fois au moins aux mêmes questions, presque toujours triviales, dépourvues de pensées, et dont la réponse est connue à l’avance.

« Votre traversée a-t-elle été heureuse ?—Que vous semble de New-York ?—Comment trouvez-vous l’Amérique ? — Depuis combien de temps êtes-vous ici ?—Combien de temps pensez-vous y rester ? » etc., etc. Assurément je rencontre beaucoup de cordialité et de bienveillance, et ne puis me méprendre sur le sentiment qui dirige bien des gens, — mais ils sont trop nombreux. C’est un véritable tourbillon de présentations, de fragments de conversation, qui appauvrissent l’âme et fatiguent le corps. Une bonne causerie sérieuse avec une personne qui le serait également me rafraîchirait l’esprit. Mais j’en commence à peine une de ce genre, que je suis obligée de tourner la tête et de répondre à « Votre traversée a-t-elle été heureuse ? » etc.