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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

partie de la journée. Elle ne le trouva pas mauvais, les jeunes personnes non plus, et on me laissa en paix. Je crains que la jeunesse ne vive ici avec la nature, — comme on ne devrait pas le faire, et qu’elle n’oublie, pour les chemins de fer et les choses extérieures étincelantes, de voir dans la nature une institutrice et une amie ; elle parlerait moins alors, écouterait davantage et aurait un peu plus de réflexion. Mais — ce n’est pas son défaut.

Dans la matinée, mon hôtesse nous conduisit, mademoiselle Lynch, l’historien Bancroft et moi, chez quelques-uns de ses voisins. Je vis dans leurs jolies villas beaucoup de confort recherché, un joli luxe, même de tableaux et de statues ; dans un endroit, je rencontrai une terrible chasseresse aux lions, qui nous tourmenta de bavardages, d’albums, de demandes d’autographes, de souscriptions, etc. ; elle nous poursuivit jusqu’à la voiture, lorsque nous prîmes la fuite de ce côté, en criant après M. Bancroft, pour savoir où il demeurait. Nous criâmes de notre côté au cocher, en riant : « Partez ! partez ! » et nous courûmes a toutes brides vers ce qu’on appelle le « high bridge, » pont gigantesquement élevé sur la rivière de Harlem, d’où nous vîmes une scène naturelle splendide. Cela était riche et beau : que n’ai-je pu le contempler avec tranquillité et réflexion ! Mais autour de New-York on est forcé à chaque instant de diriger la tête ou l’attention vers l’aqueduc qui apporte les eaux du Croton dans cette grande ville, création inestimable et magnifique pour elle assurément, mais qui me fatigue beaucoup. Revenons à notre course. Durant tout le chemin, notre hôtesse, excitée par une surabondance de vie et de jovialité, ne cessa point de parler, de rire, de plaisanter. La voiture gambadait comme un veau sur les souches et les pierres d’une