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LA VIE DE FAMILLE

jeune, un garçon. Madame Émerson a de beaux yeux pleins d’âme, une mauvaise santé, et une individualité toute différente de celle de son mari. Émerson m’a intéressée sans me réchauffer. Cette nature critique, pure comme le cristal et froide, peut être fort estimable, salutaire et bienfaisante, à sa manière pour celui qui la possède, et aussi pour ceux — qui veulent prendre leurs grades et se laisser critiquer. Quant à moi, il me faut le cœur et les chants de David.

Mais je reviendrai dans cette maison comme Émerson et sa femme m’invitent à le faire d’une manière fort aimable, et je connaîtrai mieux cette individualité qui tient du sphinx.

De chez Émerson l’adorateur de la nature, qui n’apportient à aucune Église et ne veut pas même faire baptiser ses enfants (il considère leur nature comme plus pure que celle des hommes faits et pécheurs), nous allâmes prendre gîte pour la nuit dans la maison d’un vieux et rigide puritain, où nous eûmes de longues prières, des génuflexions le visage tourné contre la muraille. La fille unique de la maison, Elisabeth H…, est une belle, digne et agréable personne : fiancée avec le frère aîné d’Émerson, elle n’a pas voulu après sa mort former d’autres liens ; elle m’intéresse. C’est évidemment un être supérieur, et son amitié pour Waldo Émerson me paraît être quelque chose de très-pur et de parfait. J’espère aussi la revoir dans le courant de l’hiver.

Tout dans la petite et poétique ville de Concord portait ce matin le cachet d’un véritable hiver suédois. Mademoiselle H… est sortie avec moi, et nous avons visité le monument élevé en l’honneur des premières victimes de la guerre de l’indépendance ; elles succombèrent ici dans le