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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

conduire chez lui : c’était une chose arrangée avec Marcus et sa femme. Je ne pus me séparer de ces derniers sans répandre des larmes ; j’avais été si heureuse avec eux, ils étaient si parfaits, que leur chagrin m’affligeait infiniment. Je luttai avec eux, mais en vain, pour payer les frais de mon séjour à Boston. Ils soutinrent qu’étant leur hôte, je ne devais pas payer une obole de la vie magnifique et dispendieuse que j’avais menée à Reverehouse. À la manière dont ils me firent cette politesse, on aurait dit qu’ils la considéraient comme un honneur et une gracieuseté qu’ils se faisaient à eux-mêmes. — Je n’ai jamais rien vu de pareil.

J’étais presque certaine que mes amis trouveraient leur petit garçon mort, et Rebecca s’attendait qu’on lui dirait à sa porte : « Il n’est plus ici, il est ressuscité. » Mais le lendemain de leur départ, je reçus une dépêche télégraphique avec ces mots ; « Chers amis, réjouissez-vous avec nous : l’enfant est mieux, et le danger presque passé. » Quelle joie j’éprouvai !

Le soir je fus avec Benzon, Bergfalk et M. King, jeune homme spirituel, ami des Spring, à un concert donné par la Société philharmonique, avec un billet par lequel j’étais invitée à assister gratuitement à tous ses concerts avec mes amis. La quatrième symphonie de Beethoven y a été parfaitement exécutée par un orchestre nombreux. Son second adagio m’a singulièrement émue. Ah ! d’où est venue à cet homme la connaissance de la vie intime du cœur, de ses efforts pour s’élever, de ses chutes, de sa lutte finale et de sa victoire ? Aucune musique instrumentale n’a produit sur moi une impression aussi profonde que ce magnifique adagio. Ces notes me représentaient l’histoire de mon âme.