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LA VIE DE FAMILLE

j’ai vu une foule de gens, reçu une foule d’invitations. Madame Bryant, jeune veuve riche, n’ayant qu’un enfant, magnifique petite fille, m’a beaucoup plu. Elle est fort bien, a des manières distinguées, gracieuses, se montre fort aimable à mon égard, et me demande « de l’utiliser. » Elle me promène en voiture, cherche à me procurer tout le plaisir qui dépend d’elle, en y mettant toute la délicatesse et l’amabilité possibles. Je me trouve bien avec madame Bryant, rien ne me heurte, beaucoup de choses me plaisent en elle, surtout le calme de sa personne : cela repose. Nous pouvons être assises l’une près de l’autre dans la voiture sans parler, ce qui me ravit.

Je suis allée aux « conversations » d’Alcott le transcendentaliste, et j’y ai même pris un peu part. Elles sont suivies par quarante ou cinquante personnes assises sur des bancs. Alcott est assis en face de ses auditeurs à un pupitre, et commence la conversation en lisant quelque chose à haute voix ; c’était, la dernière fois, un passage des écrits de Pythagore. Alcott est bel homme, d’un exterieur doux, mais — rêveur ; sa sagesse pythagoricienne ne rend guère plus sages les gens de notre époque. Depuis bien des années, il ne vit que de pain, de fruits, de légumes et d’eau ; il veut que tous les hommes fassent de même ; alors, ils seront beaux, bons et bienheureux. « Le péché doit être chassé par le régime, et le fleuve saint de l’enthousiasme coulera constamment à travers l’homme purifié et glorifié par le régime. »

L’exposition de cette doctrine et la « conversation » restèrent dans les nuages, malgré une ou deux tentatives faites par moi pour les en tirer. Alcott but de l’eau, et nous avalâmes — du brouillard. Il est venu me voir une couple de fois, et m’intéresse comme étude. Avant-hier, il