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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

compagnon, qui causait dans ce moment avec l’administrateur, n’eut point égard à la demande de cette femme qui la répéta, et finit par s’écrier d’une voix sauvage et menaçante : « Dites donc : Dieu la bénisse ! » — « Oui, que Dieu la bénisse, » répliqua M. Sumner amicalement. Mon amie la folle sourit, et fut très-contente. Sumner a reconnu parmi les hommes deux de ses camarades de l’université, bonnes têtes qui avaient été plus avancées que lui dans l’étude des mathématiques. Leur front élevé et bombé paraissait ne plus loger une seule pensée ; mais un de ces hommes reconnut son ancien camarade, ce qui parut l’attrister et l’embarrasser. La vue de quelques fous mélancoliques produisit sur moi une impression presque trop forte, vu le malaise que j’éprouvais.

De la maison des fous je fus obligée d’aller à un dîner ; après celui-ci, à une réunion de svendenborgiens, dans une église leur appartenant, où je donnai des poignées de mains à plus de cent frères. Je rentrai enfin au logis à neuf heures et demie, et j’éprouvai pour la première fois de la journée un sentiment de bien-être ; toute souffrance avait disparu, je me réjouissais de passer un instant tranquillement avec une femme de mes amies qui m’avait ramenée, lorsque survint mon médecin ; il voulait m’emmener dans une soirée. Je le suppliai de m’épargner en disant : « C’est le premier moment de la journée où j’ai pu me reposer, où je me porte bien. Vous faites comme tant d’autres : vous dites que j’ai besoin de repos, et cependant vous voulez me forcer à aller en soirée. » Rien n’y fit, et, ne pouvant refuser à mon docteur, j’allai faire l’aimable jusqu’à minuit chez l’une des élégantes de Boston. Mon oppression nerveuse revint, je passai une couple d’heures douloureuses en portant envie aux Indiens, à tous ceux