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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

de souhaiter de vous venir en aide, et je crois pouvoir le faire. » Je pleurai, je baisai la main raboteuse que je tenais comme si c’eût été celle d’un bienfaiteur paternel. Le docteur me donna une petite poudre blanche sans aucune apparence, en m’engageant à la prendre au moment de me coucher. Je l’ai fait, j’ai dormi parfaitement, et le jour suivant, — ah ! quel bonheur ! le mal avait disparu. Mon médecin soutient que mon mal vient de l’estomac, et d’une maladie fort commune ici, appelée la dyspepsie. Il a exigé de moi un régime spécial : la difficulté, c’est de pouvoir l’observer dans ce pays où la nourriture est malsaine, nullement appropriée à son climat échauffant et stimulant. On mange au déjeuner du pain chaud, des choses grasses, par exemple du lard frit, des saucisses de porc, de l’omelette, etc., et le soir, à tous les soupers, des huîtres frites ou en salade, de la confiture de pêches ; on prend des glaces. En général, on mange beaucoup d’huîtres, accommodées de toutes manières. Mon médecin s’appelle David Osgood ; il vient me voir chaque jour, me soigne avec la plus grande affection et promet de me guérir, de me rendre complétement mes forces avant mon départ de Boston. Il descend d’une ancienne famille puritaine, est un véritable original, a l’extérieur rude, mais le cœur le plus excellent, le plus doux : on le voit à ses yeux. Ils sont de ceux qui ne mourront jamais ; on les retrouvera dans le ciel tels qu’ils étaient sur la terre. C’est le trait dont je me souviens toujours le mieux chez mes amis. Je suis certaine, à la résurrection, de les reconnaître à leurs yeux et à leur regard.

Je vais te parler maintenant de Concord et de son sphinx Waldo Émerson, qui est venu me chercher lui-même. Je me portais misérablement, pour avoir mangé je ne sais