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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

comme j’aime à voir l’aigle former des cercles dans le nuage, se reposer sur lui et sur ses ailes. Rien ne peut arracher Émerson à cette élévation calme, les grandes ni las petites choses, la prospérité ni le malheur. Sous le rapport de la philosophie, il est panthéiste ; dans son point de vue moral du monde et de la vie, il est à un haut degré pur, noble, rigide pour lui-même comme pour les autres. Ses paroles sont sévères, son arrêt est souvent tranchant, mais son être n’en est pas moins noble, suave et le son de sa voix toujours également beau. On peut se quereller avec les pensées, les jugements d’Émerson, mais non avec sa personne. Ce qui me frappe surtout en lui, c’est la noblesse ; il est né noble. J’ai déjà vu quelques hommes nés avec ce cachet ; Émerson l’a peut-être à un degré plus élevé encore. Il faut y ajouter les profondes intonations de sa voix, son expression si douce et en même temps si élevée qui me fait penser à ces paroles de Marie Lowell : « Quand il prononce mon nom, je me sens déjà ennoblie. »

La conversation d’Émerson m’a aussi donné des jouissances ; elle coule avec calme et facilité comme un fleuve profond et paisible. Elle est fortifiante pour moi dans la résistance et aussi dans le bon accord ; il y a toujours quelque chose de significatif dans ce qu’il dit ; Émerson écoute bien, comprend et répond bien aussi. Cependant, que ce soit fatigue d’esprit ou par considération pour sa paix et sa tranquillité, je n’ai point cherché à le faire parler ; sa présence me suffisait. Émerson a été aimable dans ses attentions pour moi, et surtout par la manière dont il s’occupait de ma personne, en ma double qualité d’étrangère et d’hôte.

Une après-dînée, il m’a lu dans ses « Notes sur l’An-