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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

irait-elle quereller le roc de granit, parce que sa nature n’est pas autre ? C’est dans ces poitrines-là que se forment les métaux. Que l’onde se taise donc et se contente de pouvoir, malgré sa faiblesse, réfléchir le roc, les fleurs, le firmament, grandir et fortifier sa vie dans les sources invisibles des montagnes qui l’alimentent. La connaissance d’Émerson laissera des traces profondes dans mon âme.

Je veux te donner un échantillon de son style, de ce qui dans sa manière de voir et de sentir me convient le mieux. Je citerai quelques passages de ses Essais : ils peuvent aller à tout le monde et à tous les temps, véritables gouttelettes de l’artère de fer qui traverse tout ce qu’Émerson dit, ou écrit ; cette artère est la vie de sa vie. Dans sa leçon « sur la confiance en soi-même » Émerson dit :

« Croire que votre pensée, que tout ce qui est vrai pour vous est vrai pour tous les hommes, — c’est du génie. Exprimez votre conviction et elle deviendra la raison générale ; car ce qui était intérieur devient extérieur avec le temps, et nos premières pensées nous seront rendues par les trompettes du jugement dernier. Le principal mérite que nous attribuons à Moïse, à Platon, à Milton, et que chaque homme reconnaît comme étant la voix particulière de son âme, c’est de faire peu de cas des livres et des traditions, d’exprimer non pas ce que d’autres hommes ont pensé, mais ce que nous pensons nous-mêmes. Un homme devrait apprendre à découvrir et à veiller sur le rayon de lumière qui s’élance de son âme, plutôt que sur l’éclat jeté par le ciel étoilé des bardes et des sages. Et cependant il met sa pensée de côté parce qu’elle est sienne. Dans toutes les productions de l’esprit, nous reconnaissons nos propres pensées dédaignées par nous et qui nous reviennent avec une certaine majesté étrangère. Les grandes œu-