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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

cent à faire place à cette force morale. Toute espèce de force est son ombre ou son symbole. La poésie est joyeuse et forte quand elle y puise son inspiration. Les hommes gravent leurs noms sur le monde quand la force morale est leur partage. L’histoire a été basse, les nations ont été de la populace, et nous n’avons pas encore vu un homme. Nous ne connaissons pas encore cette figure divine, mais seulement le rêve et la prophétie qui la concernent. Nous ne connaissons point ces gestes majestueux qui exaltent et calment en même temps le spectateur. Nous verrons un jour que l’énergie la plus individuelle est aussi la plus active pour le bien général ; que la qualité indemnise de la quantité, et que la grandeur du caractère agit aussi dans l’ombre, et vient en aide à ceux qui ne l’ont jamais vue. L’histoire que le monde a écrite sur les dieux et les saints qu’il a ensuite adorés renferme des documents de caractère. Les âges ont chanté les louanges d’un jeune homme qui n’était redevable de rien à la fortune et fut exécuté sur le Tyburn de sa nation. La pureté de sa nature a jeté un éclat épique sur les circonstances accidentelles de sa mort, et en a fait le symbole universel de la race-humaine. Cette grande défaite a été jusqu’à ce jour notre fait le plus élevé. Mais l’âme a besoin aussi d’une victoire remportée sur les sens[1], d’une force de caractère qui convertisse les juges, le jury, le soldat et le roi ; qui dirige les forces animales et minérales, se mêle à la séve, aux courants, aux vents, aux étoiles et aux voies des agents moraux[2].

  1. Et c’est en ceci que nous voyons la grande faiblesse d’Émerson : il passe sous silence la victoire et ne reconnaît pas le vainqueur. (Note de l’Auteur.)
  2. C’est ce qui a eu lieu et se continue par la force de celui qui est mort et ressuscité. (Note de l’Auteur.)