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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

velle. Mais les transcendentalistes ne comprennent pas même sa grandeur.

Avant d’en finir avec eux, je te dirai quelques mots au sujet d’une femme qui appartient à ce cercle et dont j’ai souvent entendu parler depuis mon arrivée en Amérique, tantôt avec blâme, tantôt avec éloge, mais toujours avec distinction, mademoiselle Margaret Fuller. Quoique sans beauté et désagréable plutôt que bien de sa personne, elle est, dit-on, douée de dons fort rares et d’un véritable génie pour la conversation. Émerson m’en a parlé avec admiration, et dit : « La persuasion est sur ses lèvres. » Il est certain qu’elle a eu le pouvoir d’éveiller l’enthousiasme chez ses amis, comme pas une des femmes que j’ai entendu citer ici. Émerson dit avec sa sincérité habituelle et presque redoutable : « Elle a beaucoup de grandes qualités, mais aussi beaucoup de grands défauts. » Parmi ces derniers ou compte son orgueil et ses manières dédaigneuses à l’égard des personnes moins bien douées ; cependant on m’a dit aussi qu’elle pouvait s’en repentir et demander pardon quand des paroles dures lui sont échappées. Elle est complétement transcendentaliste par la hauteur et l’indépendance de son caractère, par la fierté et la probité, par le mordant de sa critique. Les « conversations » qu’elle a faites pendant quelque temps à Boston, dans un cercle choisi, étaient, dit-on, du plus haut intérêt. Madame Émerson ne peut assez louer sa chaude éloquence, sa richesse intérieure, et me souhaitais, je crois, de lui ressembler. Mademoiselle Fuller, partie pour l’Italie avec mes amis M. et madame Spring, y est restée après eux ; il y a une couple d’années de cela. Le bruit court maintenant qu’elle s’est mariée avec un jeune homme (mademoiselle Fuller a près de quarante ans) ; on parle d’un mariage