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LA VIE DE FAMILLE

ditoire entra en fermentation, mais gaiement, rit, interpella, battit des mains, siffla tout à la fois. Dans l’intervalle, on évacua les galeries sans bruit et facilement. Les orateurs firent une collecte dans la salle pour la mulâtresse, après quoi nous quittâmes ce lieu avec la foule : j’admirai le calme et la méthode avec lesquels cela se fit. Personne ne heurta, ne poussa ; chacun marchait paisiblement à son rang, et l’assemblée s’écoula ainsi comme un flot paisible. J’étais contente d’avoir vu une réunion populaire où tant de licence était dominée par tant d’ordre et de bonhomie.

Accompagnée par M. Sumner, je suis allée un jour au Palais d’État, ou j’ai vu le sénat, à moitié endormi, délibérer sur du cuir pour les souliers ; dans la chambre des représentants, j’ai entendu des discours dont l’éloquence, animée, il est vrai, était un peu plébéienne, sur la question de la majorité au sujet des votes (dont je ne te parlerai point). Les Américains improvisent avec la plus grande aisance et facilité ; leurs discours ici ressemblaient à un fleuve écumant ; leurs gestes étaient énergiques, mais uniformes et sans élégance. Le geste le plus fréquent, c’est d’étendre le bras droit avec le poing fermé, ou de tendre l’index. Dans les deux chambres, le président, des orateurs et plusieurs membres vinrent vers moi, me donnèrent des poignées de main et me souhaitèrent la bienvenue. J’en fais mention, parce qu’il me semble aimable et amical d’accueillir ainsi une étrangère et une femme qui n’a aucune importance dans la vie politique, et n’appartient qu’au monde paisible du foyer domestique. Ceci ne prouverait-il pas que les hommes du Nouveau Monde considèrent le foyer comme le sein maternel de l’État ?

Cette visite au Palais d’État de Boston, qui est un ma-