proche du type indien. Le climat de Boston passe, en général, pour être malsain, à cause des vents froids de la mer. Je ne te parlerai guère de cette ville, où j’ai vu peu de chose et avec une disposition d’esprit partiale. Elle me semble n’avoir rien de remarquablement joli, excepté la partie dont je viens de te faire la description. Je n’ai vu ses environs qu’en voiture fermée : on dit qu’ils sont jolis et ressemblent en quelques points à ceux de Stockholm.
Les moments les plus riches que j’aie passés dans cette ville sont ceux où j’ai assisté aux lectures de Shakespeare faites par madame Kemble. C’est un véritable génie. La faculté qu’elle possède de donner à sa voix l’expression et les inflexions nécessaires pour la changer instantanément suivant les personnages est admirable. Jamais on n’oublie ce qu’on lui a entendu lire ; elle vous transporte complétement dans le monde et les scènes qu’elle représente. Sa mimique est de toute beauté, surtout dans les rôles héroïques. Je me souviendrai toujours de l’expression de son visage lorsque, représentant Henri V, elle exhorte l’armée à remplir noblement son devoir. La scène entre le roi guerrier amoureux et la timide, la noble et cependant naïve princesse française a été lue par madame Kemble de manière à faire rire et pleurer, c’est-à-dire on rit avec les yeux pleins de larmes de plaisir. Quand madame Kemble paraît devant le public, on voit sur-le-champ qu’il y a en elle une nature énergique et fière qui s’incline devant son auditoire, parce qu’elle fait est déjà puissante ; ensuite, pendant sa lecture, madame Kemble oublie le public et elle-même, et le public oublie tout également : ils vivent, frémissent, respirent ensemble, et sont tous deux ravis par les grandes scènes dramatiques de la vie, que madame Kem-