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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

de curiosité règne assurément dans cette classe, mais en même temps beaucoup de bienveillance et de cordialité, quoiqu’elles soient souvent exprimées d’une manière un peu bizarre. Cependant, si j’étais dans mon état physique et moral ordinaire, il y a une foule de choses que je prendrais mieux. Quant à la troisième classe, elle est insupportable. Je me bornerai à dire qu’elle est peu nombreuse, et que je lui donne une place dans les litanies.

J’ai des invitations pour toute la semaine ; maie je n’accepte qu’un dîner par-ci, par-là, c’est-à-dire de petits dîners. Ils sont la plupart du temps amusants, et je vois alors des familles aimables, des maisons qui le sont aussi ; on retrouve partout l’arrangement et le goût anglais. J’ai dû renoncer presque complétement aux réunions du soir, tant je m’y trouvais mal. La chaleur produite par l’éclairage au gaz des salons de New-York et de Boston me donne la fièvre. En revanche, j’ai joui de quelques soirées paisibles à la maison depuis que j’ai trouvé un jeune lecteur, M. Vickers, fils d’un Anglais associé de Benzon, et qui demeure dans la maison. Il s’est offert pour me faire la lecture, tout en ne sachant pas s’il pourrait s’en tirer à ma satisfaction, disait-il, n’ayant jamais lu haut auparavant. Il commença donc par balbutier un peu, mais lentement et avec la plus douce voix d’homme ; c’était une sorte de musique pour mon âme ; il me calmait avec suavité. Bientôt Vickers a cessé de balbutier, et sa manière de lire est devenue égale, mélodieuse comme un flot qui roule sans bruit. Il m’a fait passer ainsi mainte bonne soirée en me lisant la biographie de Washington par le président de Cambridge, M. Sparks, les Essais d’Émerson et autres ouvrages.

J’ai remarqué ici, chez les deux sexes, une intonation singulièrement chantante en parlant. Chez les individus déve-