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LA VIE DE FAMILLE

loppés, elle devient mélodieuse ; mais chez ceux qui le sont moins, en particulier chez les femmes, elle est souvent gémissante et parfois sifflante, surtout à la fin d’une question ; ce qui n’est pas agréable. Les hommes du commun parlent souvent du nez ; les voix fortes et pleines sont rares. En général, on parle, et surtout les hommes, bas, sans accent, avec une sorte de nonchalance, en laissant tomber les paroles avec indifférence. Il m’arrive souvent de ne pas les entendre ou comprendre quand ils parlent entre eux, tant ils le font bas et sans expression. Cela ne les empêche pas cependant de conclure les affaires promptement. Ils ne font pas de longues réflexions, disent peu de paroles, ne perdent pas de temps et prennent une résolution en un clin d’œil. Je suis souvent étonnée du silence et de la facilité avec lesquels les affaires paraissent se conclure ici : c’est à croire qu’on se sert d’une espèce de télégraphie. La bonne société attache beaucoup de prix à savoir plusieurs langues, surtout le français ; et bon nombre de personnes aiment à montrer qu’elles savent le parler, mais elles s’en tirent rarement avec succès, quoique les Américains prononcent le français bien mieux que les Anglais. Les plus raisonnables ici sont fort au-dessus de cette vanité et s’en amusent.

Je dois à M. Sumner quelques bons moments par l’obligeance qu’il a eue de me lire diverses choses, principalement des poésies de Longfellow. Il m’a lu un jour une narration (au fond c’est un poëme en prose) de Nathaniel Hawthorne, qui m’a fait un tel plaisir, que je veux te la raconter le plus brièvement possible. Hawthorne, l’un des jeunes prosateurs de l’Amérique du Nord, jouit déjà d’une grande réputation. Ses écrits m’ont été envoyés par une amie anonyme que j’espère découvrir, car je veux la re-