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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

et gracieuses petites filles, ses nièces, et trois hommes fort bien composaient la société. (M. Hollbrook fait dans ce moment avec Agasiz une excursion scientifique près des grands marais d’Éverglades.) Après un dîner recherché nous sommes allés en voiture à la « Batterie, » promenade fashionable de Charleston, où l’on va et vient en cercle, de sorte qu’on voit et revoit toutes les personnes connues ou non qui s’y promènent. Je ne supporterais guère ceci qu’une fois par an tout au plus, quand même il s’agirait de respirer le bon air de la mer. Cette espèce de promenade ne paraissait pas non plus très-fort du goût de madame Hollbrook. En général, les habitants du Nouveau-Monde aiment beaucoup à être en société et dans la foule. Après un thé fort agréable, pris en bonne compagnie, madame Hollbrook me ramena chez moi. Telle a été une journée de la vie fashionable à Charleston ; mais celle que j’ai passée à la campagne seule avec madame Hollbrook dans sa terre de Belmont, à quelques milles de la ville, a été encore meilleure.

Elle vint me prendre un matin avec une petite voiture, et nous passâmes ensemble, et seules, la journée entière à errer dans les bosquets de myrte, à botaniser, à lire (madame Hollbrook m’a fait connaître le poëte anglais Keats), à causer, et le temps s’écoula comme un rêve doré, ou plutôt comme la plus délicieuse réalité. Tu sais combien je me fatigue vite de causer, et combien un effort prolongé dans ce sens m’est antipathique ; et cette fois j’ai parlé toute la journée avec la même personne, sans effort ni lassitude. C’était délicieux, amusant, amusant, amusant. L’air était la suavité même ; madame Hollbrook une source permanente, fraîche et perlée ; n’importe le sujet qu’on traitait, il devenait intéressant, soit par sa critique, soit