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LA VIE DE FAMILLE

la Caroline. » disent ses habitants ; il est d’une extrême suavité.

Hier matin (dimanche) il y a eu office pour les nègres dans une remise déblayée à cette fin. Elle était fort propre, convenablement aérée, et les esclaves, bien habillés, s’y réunirent sans bruit. Le sermon et le prédicateur (un missionnaire blanc) furent très-ennuyeux, mais je fus surprise de la promptitude et de la joie avec lesquelles les nègres comprenaient les expressions empreintes de quelque beauté et sentiment. Ainsi, quand le prédicateur cita les paroles de Job : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris, que son nom soit béni, » il y eut un mouvement général dans l’auditoire. Ces paroles furent répétées, bon nombre de nègres s’écrièrent : « Amen, Amen, » et je vis bien des yeux étinceler. Dans l’après-dînée, je sortis pour jouir de cette belle soirée et parcourir les environs. J’ai souvent entendu dire par les amis de l’esclavage, même dans les États du Nord, et citer comme une preuve du bonheur des esclaves, qu’ils chantent et dansent le soir dans les plantations. « Je verrai peut-être ces danses. » pensai-je, et j’atteignis un village d’esclaves. Les petites maisons blanches, ombragées par des arbres couverts de fleurs rouge clair, avec leur jardinet, avaient un aspect agréable ; des petits enfants noirs et gras couraient à l’entour en mangeant de grandes racines jaunes, des patates, riaient dès qu’on les regardait et étaient par conséquent disposés à donner des poignées de mains. Mais dans le village tout était silencieux et tranquille. On voyait quelques nègres et négresses debouts auprès des maisons : eux aussi avaient un air amical et bienveillant. Dans l’une de ces maisons, j’entendis prier et crier avec vivacité. J’entrai et vis une réunion de nègres et surtout de négresses fort édifiés et