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LA VIE DE FAMILLE

me tourner de l’un vers l’autre, de saluer, de donner des poignées de main, souvent à une demi-douzaine de nouvelles connaissances à la fois, hommes de différentes professions et nations, femmes qui m’offrent leurs maisons et m’invitent à y venir « sur-le-champ ! » Ensuite arrivent une foule de lettres, que je n’ai pas même le temps de décacheter, pour me demander des autographes, etc. J’ai donné aujourd’hui des poignées de main à soixante-dix ou quatre-vingts personnes, et il m’a été impossible de recevoir un grand nombre d’autres visites. Pas un nom, pour ainsi dire, ne m’est resté dans la mémoire ; mais la plupart des personnes que j’ai vues m’ont plu par leurs manières franches et cordiales ; je suis reconnaissante de leur grande bienveillance à mon égard. Cet accueil est si chaud, si hospitalier ! Cependant j’ai éprouvé un véritable plaisir à fuir mes bons amis durant une couple d’heures, et d’aller en voiture avec M. Downing au beau parc de Greenwood, vaste et nouveau cimetière de New-York ; il est plus gigantesque, quant à l’emplacement, que le Père-Lachaise de Paris. On s’y promène en voiture comme dans un parc anglais, on y trouve des collines et des vallons. D’Océanhill, la plus haute de ces collines, la vue s’étend sur la mer ; c’est magnifique : je voudrais reposer ici. Le plus splendide des monuments que j’y ai vus, — il est en marbre blanc — a été élevé par des parents affligés à la mémoire de leur jeune fille et unique enfant. Elle a été écrasée : je présume que c’est dans Broadway.

De retour à l’hôtel, j’ai dîné avec Downing dans l’une des petites salles. Il y avait à table quelques messieurs dont l’aspect m’a fait autant de peine à voir que des chevaux épuisés de fatigue, tant ils leur ressemblaient. Ces yeux inquiets, profondément enfoncés dans leur orbite, ces traits