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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

ment ces mots : « Je suis un pécheur ! » ou bien : « Jésus ! Jésus ! » Pendant tout ce vacarme, le chant continue avec énergie et bien ; le tonnerre gronde par moment.

Tandis que les rangs des nègres présentent ce spectacle nous voyons parmi les blancs une scène plus calme. Des personnes qui s’étaient agenouillées près de la table-autel s’en sont éloignées ; quelques-unes restent encore, et les prêtres paraissent leur parler en vain. Une jeune fille soulevée par ses parents est en extase. On l’étend à terre, la tête appuyée sur les genoux d’une femme en deuil d’un certain âge ; son jeune et joli visage est tourné vers le ciel ; elle est roide et sans connaissance, à ce qu’il paraît. La dame en deuil et une autre en deuil également agitent doucement leurs éventails sur la jeune fille et la contemplent avec gravité, tandis que dix ou douze femmes, la plupart jeunes, l’entourent en chantant une hymne bas et avec suavité ; toutes regardent la jeune fille endormie, convaincues qu’il se passe quelque chose de grand en elle. Cette scène au milieu d’une nuit orageuse et à la clarté des feux allumés, était réellement belle.

Au bout d’une heure, l’exaltation commençant à se calmer, et le point culminant de la nuit paraissant passé, nous retournâmes, madame Howland et moi, dans notre tente pour nous reposer. Elle était située à l’extrémité du camp des blancs, et, par curiosité, je fis un bout de chemin au delà dans la partie la plus obscure de la forêt. Il y avait ici un tintamarre épouvantable, produit non par des hommes, mais par des grenouilles et autres bêtes. Elles aussi paraissaient avoir une grande assemblée, bourdonnaient, riaient, toussaient, soufflaient, produisaient des sons, des cris bizarres ne ressemblant à rien, et comiques au plus haut degré. Je n’ai jamais entendu un pareil con-