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LA VIE DE FAMILLE

été bâtie et ses environs étaient encore un territoire indien. À l’endroit où ces sauvages dansaient ou tenaient leurs assemblées, est aujourd’hui Mâcon, avec ses six mille habitants, des boutiques, des ateliers, des hôtels meublés, des maisons. Sa population augmente tous les ans, et au milieu de sa grande place est l’Hébé de Canova, sur une fontaine.

La milice de la Caroline et de la Géorgie s’est promenée ce soir au clair de lune, avec grande musique militaire, par les rues et les places ; toutes les fenêtres s’ouvraient, et les nègres se précipitaient hors des maisons pour voir passer ces jeunes gens.

Je me levai de bonne heure le lendemain, car la matinée était magnifique ; le monde paraissait jeune et frais, et je me sentais bien portante comme lui. Je sortis pour faire un voyage de découvertes, avec deux bananes seulement dans mon petit sac de voyage. La ville était encore tranquille, tout avait un air neuf et vigoureux : je pressentais la vie jeune de l’Ouest. La pâle demi-lune descendait lentement dans un brouillard qui, ressemblant à de la fumée, enveloppait l’horizon à l’occident ; mais, au-dessus de moi, le ciel était du plus bel azur. Les arbres et l’herbe, couverts de rosée, étincelaient au soleil levant. En suivant des rues bien plantées, je sortis de la ville et arrivai sur une grande route ; de chaque côté était une forêt épaisse, sombre. Je marchais seule, mais mon cœur chantait. Ce que j’avais désiré pendant toute ma jeunesse, en ayant moins que tout autre l’espoir de l’obtenir, — la connaissance vivante des formes si variées de la vie, — était maintenant mon partage dans une mesure immense. Est-ce que je ne me promenais pas en toute liberté dans le vaste et libre Nouveau-Monde, pouvant y voir ce que je voulais voir, ap-