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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

était facile de conserver la clarté du soleil dans l’esprit et la conversation. Après une course de deux ou trois heures, nous prîmes terre à la petite ville de Newburgh, où nous attendait la voiture de M. Downing ; elle nous conduisit, en gravissant les collines, vers une jolie villa en pierre de taille peinte en sépia clair et ornée de deux petites tourelles élancées. Entourée d’un parc, dans une position élevée et dégagée, elle avait vue sur l’Hudson et ses bords. Une femme de petite taille, frêle et jolie, blonde, aux yeux bleus, embrassa M. Downing et souhaita la bienvenue à son hôte. C’était madame Downing ; elle me parait tenir de la nature de l’oiseau. Alors nous gazouillerons et nous serons parfaitement ensemble, car, moi aussi, je suis un peu oiseau.

Astorhouse, ses splendides salons et sa vie de société, le « Nouveau-Monde » et son élégance recherchée étaient de bons échantillons de la face de parade américaine. Downing dit qu’il avait désiré que j’en visse quelque chose sur-le-champ, afin de pouvoir juger plus sainement de l’autre face de la vie dans le Nouveau-Monde, celle qui appartient à la civilisation intérieure, individuelle, proprement dite. Il n’est guère possible d’en trouver un meilleur spécimen que celui offert par M. Downing et sa demeure. Il a fait construire lui-même sa maison, a planté lui-même les arbres, semé les fleurs qui l’entourent ; tout me paraît porter le sceau d’un esprit grave et délicat. C’est un assemblage romantique de sombres allées, des plus jolis détails et des plus grandes perspectives. Tout y est fait avec réflexion ; rien ne cloche, rien n’est compassé : une âme a senti, pensé, ordonné tout ici. Dans l’intérieur de la maison règne un ton obscur pour les couleurs ; ce qui est bois est brun ; le jour lui-même est sombre et cependant clair, ou pour mieux dire plein