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LA VIE DE FAMILLE

Nous fûmes obligés de nous tenir en dehors et de ne voir le Président qu’assis à la fenêtre, tandis que les grands et les riches montaient librement le perron, entraient et lui donnaient une poignée de main. Le Christ est-il venu ainsi ? Est-il venu vers les riches pour leur donner des poignées de main ? Non ! Que le Seigneur soit béni, il est venu vers les pauvres !… Vers nous et pour nous, mes frères et sœurs. » — « Oui, oui ! Amen ! Il est venu vers les pauvres, vers nous ! Qu’il soit béni ! Amen ! Alleluia ! » s’écria-t-on de toutes parts dans l’église pendant un moment ; les noirs frappaient des pieds, riaient et pleuraient avec des visages rayonnants de joie. Le prédicateur continua, et raconta comment le Christ avait montré qu’il était l’envoyé du Très-Haut. « Figurez-vous, mes frères, dit il, une plantation avec travail de nègres. Le planteur est parti, il est allé au loin, bien loin au delà des mers, en Angleterre. Les nègres de la plantation n’ont jamais vu son visage ; n’ont jamais vu d’homme plus élevé en dignité que le surveillant. Ils apprennent tout à coup que le propriétaire, leur seigneur et maître, doit arriver ; ils sont très-curieux de le voir, s’informent de lui. Un jour, ils voient venir le surveillant avec un autre monsieur qu’ils ne connaissent pas ; mais il est plus mal, et plus simplement vêtu que le surveillant. Celui-ci a un beau frac avec boutons, une cravate blanche, un joli chapeau, et de plus il est ganté. Le monsieur étranger n’a pas de gants, il est habillé sans soin, très mesquinement, ma foi ! Si les nègres ne connaissaient pas le surveillant, ils le prendraient pour le maître. Mais ils s’aperçoivent que le monsieur étranger donne des ordres au surveillant, qu’il lui dit d’envoyer un nègre ici, un autre là, en fait appeler plusieurs près de lui, et que le surveillant et les nègres sont