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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

obligés de faire tout ce qu’il ordonne ; ils apprennent ainsi que c’est le maître. »

Comme ce tableau pris dans la vie journalière des nègres est frais et vivant !

Dans l’après-midi du même jour, je suis allée avec M. Fay à un autre sermon nègre. Le prédicateur était un vieux mulâtre, beau et vigoureux vieillard, qui a de la fortune et jouit d’une grande considération parmi les siens, comme prédicateur et baptiseur. Il ressemblait à la race blanche, pour l’extérieur et les manières, et nous dit pendant son discours qu’il avait quatre-vingt-quinze ans. Il parla de son expérience religieuse de la vie, des soucis et tourments spirituels qui avaient manqué de le pousser au suicide, et enfin de ses sentiments lorsque la compréhension du Christ et de la rédemption s’éleva devant sa raison. « Le monde entier fut alors changé pour moi, continua-t-il, tout me semblait avoir pris une naissance nouvelle et rayonner d’une beauté nouvelle aussi. Même la compagne de ma vie, ma femme, me parut derechef jeune, et brilla devant moi comme un astre nouveau ; je ne pus m’empêcher de lui dire : En vérité, ma femme, je t’aime ! » Une jeune personne assise dans le même banc que moi se baissa pour rire ; je me baissai aussi, mais pour répandre des larmes, que la joie, la sympathie, des souvenirs particuliers et ce tableau naïf, chaudement naturel, attiraient. Après le sermon, M. Fay et moi, nous donnâmes une poignée de main au vieux et énergique Andrew Marshall. Le chœur de la tribune composé de nègres et de négresses, chanta à quatre parties aussi purement et bien qu’on pouvait le désirer. Après le service, une femme s’approcha et s’agenouilla près de l’autel, profondément affectée, à ce qu’il paraissait, et le vieux prédicateur prononça sur elle,