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LA VIE DE FAMILLE

dort dans l’église, faute d’un christianisme vivant, peut se bien trouver d’avoir été réveillé par ce vent frais venu de l’Himalaya du paganisme. Mais comment Émerson ne voit-il point ?… Je ne l’interrogerai pas maintenant à ce sujet. Il est équitable et vrai. Puissent bien des gens lui ressembler en ceci !

Je vais te parler un peu de ma vie de société dans cet intervalle. Mademoiselle Catherine Sedgewick est venue ici avec une jeune nièce, Suzanne, fille de son frère, quelques jours après mon arrivée. M. Downing, qui en fait beaucoup de cas, désirait que je fisse sa connaissance. Elle a de cinquante à soixante ans, un extérieur qui annonce infiniment de raison, de la bonté et de la bienveillance, mais non pas du génie proprement dit. Toute sa personne est bien féminine, honnête, ouverte, sans la moindre apparence d’affectation. Dans les premiers jours mon âme restait un peu assoupie à côté de mademoiselle Sedgewick, mais ce sentiment fut comme emporté par le vent en un clin d’œil, par une jolie et touchante expression de cordialité trouvée par elle, — et qui nous révéla pour ainsi dire l’une à l’autre. Depuis lors j’ai senti que je pourrais vivre avec mademoiselle Sedgewick comme avec une âme céleste en laquelle on peut avoir la confiance la plus pure. Je jouis aussi de ce qu’il y a de profondément sensé dans ses paroles, et de sa manière véritablement féminine de juger les rapports de la vie. C’est une âme vraie et douce. Elle a beaucoup écrit, dit-on, durant ces dernières années pour ce que je veux appeler les petites gens de la société ; car ici, où presque tout le monde travaille pour vivre, il ne peut pas être question d’une classe de travailleurs proprement dite, mais bien d’une classe peu aisée, peu entourée, et qui n’a pas encore pris son élan. Franklin, lui-même un travail-