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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

vres, église centrale dans laquelle toutes les religions peuvent se réunir au nom du Seigneur.

On nous conduisit dans nos chambres, où nous nous rafraîchîmes et nous habillâmes ; puis vinrent le déjeuner et tous les voisins. Il me fallut donner des poignées de main à soixante ou soixante-dix personnes amicales, ce qui n’aurait pas été une rude besogne si beaucoup de petits discours ne les eussent pas suivies. Cette répétition des mêmes paroles et choses devient fatigante et me fait croire que je suis un perroquet. La réunion était joyeuse et gaie, le déjeuner magnifique ; il se termina par la danse. J’eus l’occasion de voir plusieurs jeunes personnes fort jolies, pleines de vie, à la taille fine, mais frêle. Les femmes s’habillent avec goût, ont de petites mains, de petits pieds, et rappellent les Françaises. Cependant quelque chose me manque dans leur visage ; c’est, je crois, — l’expression. N’étant pas en train, la journée me parut fatigante. Mais, lorsque je pus me promener tranquillement le soir au bras du silencieux Downing, sur le bord de l’Hudson ; lorsque je pus contempler la masse d’ombres et de clairs veloutés qui se répandaient sur les majestueuses montagnes de Catskill, tandis que le soleil descendait derrière elles avec une splendeur sans nuage ; alors mon cœur s’élargit, battit plus librement au milieu de ce grand et magnifique paysage, et je bus de l’eau des sources. C’est dans cet instant seulement que j’ai vécu ce jour-là. Le soir, j’eus un plaisir inattendu. Madame Donaldson joua de la harpe, du piano, et chanta d’une manière remarquable, animée, comme une véritable « artiste, » ce qui, je crois, est chose rare dans ce pays. Il y avait expression et paroles dans son chant ; il en est de même de sa personne, figure noble, indépendante, qui « se porte elle-même, » comme tu as l’ha-