Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
DANS LE NOUVEAU-MONDE.

désharmonie tenant à la pesante réalité terrestre. En font essentiellement partie: les visites des étrangers et les formes de la société telles que nous les avons adoptées dans la bonne compagnie de la terre. Ce sont des enveloppes qu’il faut briser pour parvenir au noyau; il arrive souvent que nous n’avons pas le temps de prendre cette peine. Un portrait de Washington Irwing peint depuis longtemps, et qui se trouve dans son salon, prouve qu’il a été d’une beauté remarquable. Ses yeux et ses cheveux noirs le feraient prendre pour un Espagnol. Il a été fiancé a une jeune personne belle aussi et d’une bonté rare; mais elle est morte, et Washington Irwing n’a pas cherché une autre fiancée; il a été assez sage pour se contenter du doux souvenir d’un amour complet, a vécu pour les lettres, l’amitié et la nature. C’est un sage sans rides ni cheveux gris. Il s’occupe maintenant de la biographie de Mahomet, qu’il livrera sous peu à l’impression. Deux femmes, l’une d’un certain âge, l’autre jeune, pas jolies, mais ayant des physionomies pleines d’âme, et proches parentes d’Irwing, étaient avec lui.

J’ai reçu chez les Hamilton de nouvelles visites, tous gens aux manières amicales, au cœur ouvert. Les femmes ont en général la taille fine, mais un peu frêle. Ensuite, Mary Hamilton et moi nous fîmes de la musique. Nous étions dans toute l’ardeur de l’exécution d’une ouverture à quatre mains, et nous nous en tirions assez bien pour qu’on nous criât bravo, quand M. Downing, avec sa voix mélodieuse, sa fermeté (qui fait parfois de lui une sorte de despote aimable), nous interrompit en disant: «Voici le moment!» c’est-à-dire, il faut partir. Nous nous arrêtâmes donc au milieu du morceau pour faire les adieux, courir au chemin de fer qui étendait ainsi sa rude main sur la musique de