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LA VIE DE FAMILLE

la vie. Elle m’accompagna cependant sous la forme du souvenir de l’impression que m’avait faite cette agréable vie de famille. M. Hamilton, qui a été d’une bonté parfaite à mon égard durant cette visite, nous a accompagnés jusqu’à l’embarcadère. Il a fini par me prier de le considérer comme un père, et sa maison comme la mienne ; d’y venir et d’y rester toutes les fois que je me trouverais moins bien dans n’importe quel lieu des États-Unis. Je sais que cette offre m’a été faite aussi sérieusement que celle de Downing quand il m’a dit de le traiter en frère et de lui donner l’occasion de m’être utile. « Ne l’oubliez pas ! » telles furent ses dernières paroles lorsque nous nous séparâmes.

Nous remontâmes l’Hudson pendant une sombre mais belle soirée. L’air était complétement calme ; de temps à autre un bateau à vapeur tonnant, aux cheminées flamboyantes, venait à nous ; la rivière était d’un calme extraordinaire. Çà et là de petites lumières rouges apparaissaient sur les ombres noires projetées par les hautes montagnes du rivage. « Ces lumières proviennent des cabanes où habitent les ouvriers du chemin de fer, me dit Downing. — Vous vous trompez, répliquai-je, ce sont de petits nains qui regardent à travers le roc et ouvrent les lucarnes de leurs salles dans la montagne. Nous savons cela, nous autres Scandinaves ! » Downing sourit, et mon explication fut adoptée.

Ce que je pourrais regretter, si je songeais à regretter quelque chose ici, où il y a si grande abondance de vie, ce serait la vie des fables et des légendes que l’on rencontre partout en Suède. Elle fait de notre pays une terre poétique, dont les montagnes, les forêts, le sol, le bord des rivières et des lacs sont pleins de runes symboliques[1] ;

  1. Sorte de caractères dont se servaient les Scandinaves antiques. (Tr.)