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LA VIE DE FAMILLE

ment comme avec un frère et une sœur. Ils ont été et sont d’une bonté inexprimable pour moi. Mon humeur était un peu triste les premiers jours. Je souffrais du froid, surtout dans ma chambre à coucher, et de la nécessité d’établir de nouveaux rapports, chose toujours désagréable pour moi. Mes hôtes ont fait mettre un poêle dans ma chambre, ce qui l’a rendue chaude, agréable, et je n’ai pas tardé à me trouver heureuse et à mon aise avec eux. Marcus aussi est « un homme qui s’est fait lui-même ; » je soupçonne cependant que Notre-Seigneur a été de la partie pour le cœur et la tête. Son visage (il me rappelle l’expression de Sterne) « ressemble à une bénédiction. » Rebecca est d’une famille de quakers, elle a quelque chose de la lucidité intime, de la réflexion propres à cette secte, dit-on. En outre elle est spirituelle, d’une conversation agréable, bien sans être jolie ; sa bouche est d’une fraîcheur exquise et animée, et sa taille d’une beauté classique.

Les deux époux sont de chauds patriotes, d’ardents philanthropes ; ils aiment les idéalités de la vie, et vivent pour elles, sont riches et font beaucoup de bien, à ce qu’il paraît. Ils s’intéressent au socialisme, mais en amateurs plutôt qu’en initiés proprement dits, et Marcus a associé une couple de ses commis à sa maison de commerce. Il est de cette espèce de gens qui n’aiment point à parler de ce qu’ils font, ni qu’on s’en occupe ; mais sa femme et ses amis aiment à parler de lui, et je n’en suis pas étonnée. Ils ont trois enfants : Eddy — le fils aîné, âgé de douze ans, pourrait servir de modèle pour un amour ou un ange de Raphaël ; il a l’air méditatif, calme, et beaucoup de finesse dans l’expression. La petite Jenny est robuste et vive ; puis vient le nourrisson, petit garçon aux boucles