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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

d’or, aux yeux bleus limpides, joli enfant, mais d’une mauvaise santé.

Avec Marcus, je cause de la marche présente et à venir du pays. Avec Rebecca, il est question de la vie intérieure, et j’apprends une infinité de choses qui me touchent et m’intéressent. Oui, en vérité, il y a ici beaucoup plus de poésie, de vie romantique, qu’on ne le suppose chez nous. Le climat aussi est juvénile, mais pas toujours de la meilleure manière ; car il est très-variable. Les premiers jours que j’ai passés à Brooklyn étaient d’une fraîcheur si piquante, que je gelais de corps et d’âme ; maintenant il fait si chaud, que j’ai couché les fenêtres ouvertes en regardant briller les étoiles à travers les stores, et l’aurore m’a apporté les souffles les plus doux de cet air et de ces parfums qui ont quelque chose de magique.

Le 7 novembre.

À mon grand regret, chère Agathe, il m’a été impossible d’écrire pendant quelques jours ; quand nous nous reverrons, je remplirai les lacunes de mes lettres. Beaucoup de choses flatteuses et fatigantes m’arrivent continuellement, mais elles ne méritent pas d’être couchées sur le papier. Ma vie est une lutte incessante contre l’amabilité et la curiosité ; j’en suis souvent épuisée ; souvent aussi je sens un souffle singulier de jeunesse, de renouvellement, inonder mon âme. J’ai éprouvé un sentiment de ce genre l’autre jour lorsque je me suis trouvée en rapport avec le noble enthousiaste H. W. Channing, nature aussi brûlante que pure, yeux rayonnants, visage régulier, et pur comme j’aurais pu me représenter celui d’un séraphin. À l’égard de son pays, c’est plutôt un amoureux disposé à la critique qu’un enthousiaste. Il aime avec enthousiasme ce qui