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LA VIE DE FAMILLE

ce voyage. J’étais abattue par l’oisiveté, l’inutilité de ma vie ; j’aspirais après un noble but quelconque, après une chose qui pût remplir le vide de mon âme. Un jour, en sortant de l’église, je vis deux messieurs causant ensemble, et j’entendis l’un d’eux s’exprimer ainsi : « Je voudrais que quelqu’un eût l’idée d’aller à la prison de.. elle est dans un état épouvantable. » Au même instant, il me vint à l’idée : « Ceci pourrait m’aller. » Je visitai la prison ; elle contenait une foule de malheureux aliénés enfermés comme des criminels et traités de même ; des abus s’y étaient introduits en grand nombre. J’écrivis un mémoire à ce sujet, puis un projet de réforme sur cette prison, et j’adressai le tout au gouvernement. Une subvention fut accordée pour améliorer la prison et construire un asile des aliénés, afin qu’ils fussent convenablement soignés. C’est le commencement. Ma route dès lors était tracée, et ce que j’ai fait depuis a marché comme de lui-même. »

Washington était derrière moi avec ses batailles politiques, ses luttes amères d’État à État, d’homme à homme, sa vie, ses rapports troublés, ses vues non pas satisfaisantes et tenant du chaos. Près de moi se trouvait une petite vie humaine, qui, moyennant un acte de « simple obéissance, » était sortie de son isolement, de ses ténèbres pour embrasser une carrière active, remplie de bénédiction, en faveur des êtres mal partagés par la nature répandus dans les États-Unis. C’était la petite rivière qui coulait devant nous ; née à des sources invisibles, elle s’était développée au point de former une baie magnifique et s’unissait par elle à l’Océan.

Durant les douze années qu’elle a déjà consacrées aux aliénés et aux prisonniers dont elle est le bon ange, mademoiselle Dix a parcouru la plupart des États de l’Union,