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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/123

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

harpe et du piano, chanter des morceaux d’ensemble fort bien et avec goût.

À Baltimore, j’ai visité des prisons et la maison des aliénés sans y rien trouver à admirer. La ville est grande, moins jolie, a moins d’arbres et de jardins que la plupart de ses sœurs américaines que j’ai vues jusqu’à ce moment. Elle est célèbre pour son agréable vie de société, ses jolies femmes ; la « Belle de Baltimore » est une joyeuse chanson nègre, que chantent avec amour les blancs, les noirs, les maîtres et les serviteurs. Ce que Baltimore a de remarquable pour moi se trouve dans une scène de cabaret et l’histoire d’une petite fille. Tu écouteras le récit de la première en faveur de la seconde ; on ne peut les séparer.

Une famille du nom de Hawkins habitait Baltimore il y a quelques années. On l’avait vue dans une position meilleure ; elle en était déchue par suite du penchant pour les boissons fortes auquel se livrait le père de famille. Dans une rue de Baltimore était un cabaret où chaque jour cinq à six buveurs avaient pris l’habitude de se réunir pour boire pendant toute la journée. Hawkins faisait partie de cette société, et, tout en la maudissant, en se maudissant lui-même ainsi que sa faiblesse, on aurait dit qu’une malédiction l’attirait de ce côté ; une fois entré dans le cabaret, il ne pouvait plus en sortir. Hawkins revenait chez lui fort tard dans la soirée ou dans la nuit, et tombait souvent dans l’escalier ; il y serait resté couché, exposé à mourir de froid, sans sa fille, la petite Hanna. Elle veillait jusqu’au moment où il rentrait, allait au-devant de lui, l’aidait à monter les escaliers, et, lorsqu’il tombait, Hanna, n’ayant pas la force de le relever, apportait oreiller et couverture, posait la tête de son père sur l’un, étendait l’autre sur lui de son mieux, et se couchait en-