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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/125

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

gageaient avec serment à renoncer complétement aux boissons fortes. Lorsque Hawkins arriva au cabaret, les frères de la tempérance lui présentèrent l’écrit qu’ils venaient de faire en disant : « Signe, signe ! » Étonné, troublé, presque hors de lui, Hawkins ajouta son nom aux autres. Il rentra en courant chez lui sans avoir bu une goutte d’eau-de-vie, et comme en proie à une ivresse d’un genre nouveau. Sa femme et sa fille étaient ensemble ; il se jeta sur une chaise sans pouvoir dire autre chose, sinon : « C’est fait ! c’est fait ! » Sa pâleur, son air égaré, les effrayèrent ; elles demandèrent ce qu’il avait fait. — « J’ai signé la promesse de tempérance, » s’écria-t-il enfin. Sa femme et Hanna se jetèrent à son cou, tous pleuraient de joie.

C’est donc de ce cabaret qu’est parti le mouvement qui se propagea avec la rapidité de l’éclair dans les États-Unis, entraîna des centaines de mille individus, grandit et éleva une puissante muraille contre l’ivrognerie, qui, semblable à une mer houleuse, débordait depuis quelque temps dans le pays et entraînait avec elle des gens de toutes les classes. Les anciens ivrognes du cabaret de Baltimore se transformèrent en prédicateurs de la tempérance, et sous le nom de « Washingtoniens, » allèrent, ainsi que d’autres, faire des discours dans les villes et les campagnes ; leur exemple donnait couleur et vie à leur tableau de la malédiction attachée à l’ivrognerie et de la félicité que procure une vie pure. Ils vinrent à Boston ; Hawkins était avec eux. On l’avait invité à parler ; mais, n’étant pas orateur, il fut impossible de le décider à s’avancer ; enfin on insista tellement qu’il prit la parole. Marcus Spring était présent ; il m’a raconté cette séance. Hawkins commença par ces mots : « J’ai été un ivrogne, » et s’arrêta tout court comme subjugué par ses souvenirs et la solennité du moment. La