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LA VIE DE FAMILLE

M. Hart est venu à bord au moment de mon arrivée et m’a conduite chez lui, où je suis traitée comme un membre de la famille.

J’ai visité hier, avec Lucretia Mott, plusieurs demeures de nègres libres, même un prêtre épiscopal nègre (de haute taille, bonhomme et honorable ; il est daguerréotypeur, parle bien le français), et plusieurs familles nègres. Les noirs libres m’ont frappée de la même manière que les esclaves ; ce sont de bonnes natures, riches de sentiments, possédant une bonne dose d’originalité, un esprit d’imitation ; mais leur perfection est différente de celle des blancs, et aucun moyen d’enseignement ne pourra les amener au point de vue de ceux-ci ; au surplus, je ne vois pas pourquoi c’est mal. Les mérites des blancs sont complétement équilibrés par leurs défauts. Ce qui m’a le plus intéressé chez les hommes libres de couleur comme ils aiment à s’appeler, c’est une jeune mulâtresse, Sarah Douglas, agréable de sa personne, et ayant une physionomie des plus spirituelles. Elle dirige une école de soixante et quelques enfants nègres et mulâtres, et m’a fait l’éloge de la facilité avec laquelle ils comprennent ce qu’on leur enseigne ; mais elle ajouta : « ils oublient vite et dépassent difficilement un certain point. » Quant à Sarah, c’est l’un des plus jolis exemples d’une véritable culture chez le peuple de couleur.

J’ai vu encore une fois la petite Mary Townsend, cette jolie enfant de la lumière intérieure, aux yeux rayonnants d’une manière surnaturelle ; j’ai appris seulement alors que ses yeux supportent à peine la clarté du jour, qu’ils ne peuvent se fixer sur un livre ou de l’écriture sans des souffrances insupportables. Son livre sur les insectes a donc été dicté les yeux bandés. « Je serais reconnaissante,