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LA VIE DE FAMILLE

pillons ; il a fallu m’approcher pour voir ses quatre pieds. On n’a pu me dire son nom particulier ; quelqu’un a prétendu que c’était « l’oiseau des dames. » En général, hommes et femmes ne connaissent ici les objets naturels que lorsqu’ils se rapportent à un but utile ou de simple amusement. C’est dans le Sud surtout, au milieu d’un monde animal et végétal des plus riches, que l’ignorance, sous ce rapport, m’a paru affligeante. L’homme devrait, il me semble, jouir de la nature autrement que le bœuf et le papillon ; il devrait, en sa qualité de maître de la création, se faire honneur à lui-même et au Créateur, en étudiant ses œuvres avec fruit, en apprenant à connaître dans quel but il les a faites.

Je suis partie de Philadelphie pour le Cap-May avec M. et madame Hart, par une belle matinée de juillet ; le Delaware était unie comme une glace, ses bords jolis et verdoyants avaient une grâce d’idylle. Pendant notre navigation, j’ai lu les Annales d’un M. Clay sur la colonie suédoise établie autrefois sur ces rivages ; j’éprouvais un plaisir très-grand, en détournant les yeux de mon livre, de pouvoir les fixer sur les lieux où cette colonie a vécu en paix et avec piété. L’orgueil et l’esprit belliqueux de ses chefs, Prinz et Rising, la perdirent plus tard. Je regardais cette contrée avec amour ; la paix et la liberté y avaient été apportées par des Suédois !

Nous arrivâmes le soir au Cap-May.

Dix heures du matin vont sonner ; dans un moment commencera, sur le bord de la mer, un spectacle varié. Plusieurs centaines, plus de mille personnes, hommes, femmes et enfants, portant des vêtements rouges, bleus, jaunes, de toutes couleurs et façons (le costume fondamental est une blouse, des pantalons, un chapeau de paille à larges bords