Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
125
DANS LE NOUVEAU-MONDE.

et jolis rubans rouges), entrent dans la mer par bandes, plongent dans les vagues houleuses, en sortent, ou laissent passer les flots par-dessus leur tête, le tout avec gaieté et joie bruyante. Des voitures et des chevaux entrent dans la mer, les cavaliers montés font de même, les chiens nagent. Créatures humaines, blanches et noires, chevaux, voitures, chiens, tout cela est pêle-mêle ; à une petite distance, des marsouins sortent la tête de l’eau et sautent quelquefois, par imitation, probablement. C’est une république dans les vagues, plus fraternelle, plus égalitaire que pas une de celles du continent ; car le grand et puissant Océan traite tout le monde de même, mugit autour et par-dessus chacun avec une telle supériorité, qu’il n’est donné à personne de la contre-balancer.

Tu remarques peut-être, au milieu des citoyens et des vagues, un homme en joli costume couleur de feu, et une citoyenne en blouse de laine brune, rayée en vert-choux. Cette dernière se distingue de la foule en se retirant dans un coin solitaire, afin de se tirer d’affaire elle-même, et par l’impossibilité où elle est de résister aux coups des vagues qui la poussent cruellement contre un banc de sable lorsqu’elle est abandonnée à ses propres forces, et malgré le trident dont elle est armée pour se retenir. Ce couple, c’est le professeur Hart et la soussignée. Tu pourras de temps à autre me voir faire le plongeon, et, fatiguée de ma lutte avec le flot, me percher comma une mouette sur le banc d’où je contemple, entourée de vagues mugissantes et couvertes d’écume, tantôt l’Océan et l’espace sans fin, tantôt la compagnie bigarrée des baigneurs. C’est bien différent du Capitole de Washington !… Ici, l’homme ne paraît grand ni remarquable sous aucun rapport ; il ressemble plutôt à un animal disgracieux, car son costume,