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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

moi et du professeur Hart ; nous les avons surnommés les requins, par suite de la facilité remarquable avec laquelle ils engloutissent dans leur estomac de copieuses et souvent doubles portions de tout ce qui paraît sur la table. J’éprouve, en vérité, de la peine à voir leurs grandes bouches, pourvues de fortes dents, mâcher et retourner ces jolis épis de maïs blancs et perlés. Si manger n’était pas un acte sanctifié par la religion (témoin la prière de table), ce serait un procédé vil, animal, indigne de l’homme et de la nature.

Après le dîner, je m’assieds de nouveau, un livre à la main, et je contemple la mer, je hume son air moelleux, vivifiant. Quelques baigneurs recommencent, vers cinq heures, et demie à se plonger dans les vagues montantes ; il m’arrive parfois de les imiter. Lorsque la nuit vient (il fait nuit de bonne heure ici), je me promène sur la terrasse qui fait le tour de notre hôtel, en jouissant du magnifique spectacle du ciel, avec ses éclairs, ses explosions de lumières sans qu’un seul coup de tonnerre se fasse entendre. Une partie de la voûte céleste est alors complétement éclairée, resplendissante d’étoiles, tandis que l’autre est obscurcie par une nuée dont les bords et certaines parties sont illuminées par des explosions lumineuses. Des globes de feu se montrent, courent, lancent des rayons dans différentes directions ; d’autres flambent, étincellent comme des matières inflammables ; ses gouffres pleins de jolies flammes colorées qui volent çà et là s’ouvrent. Du nuage gris et léger sortent sans interruption des lances et des raquettes, et à l’horizon, où il se confond avec l’Océan, il est éclairé par des éclairs longs et doux ; en un mot, c’est un feu d’artifice céleste qui me surprend et me ravit. Une couple de fois aussi, nous avons eu de magni-