avec plus de zèle dans cette voie et veut aller plus loin que John Bull ; il ne craint pas de blesser sa dignité en mettant les deux mains à la pâte comme un véritable manœuvre. Les deux frères veulent devenir des hommes riches ; mais John Bull garde pour lui et ses amis la meilleure, la plus grosse part. Jonathan veut partager la sienne avec tous les peuples, enrichir tout le monde ; il est cosmopolite ; une partie du monde lui sert de garde-manger, il a tous les trésors de la terre pour entretenir son ménage. John Bull est aristocrate ; Jonathan est démocrate, c’est-à-dire, il veut, il croit l’être, mais il lui arrive de l’oublier dans ses relations avec des gens d’une autre couleur que lui. John Bull a un bon cœur qu’il cache par moments dans sa graisse, son flegme, sous son par-dessus bien ouaté et boutonné. Jonathan a bon cœur aussi, et — ne le cache pas. Son sang est plus chaud, il n’a point de corpulence, marche la redingote ouverte ou sans redingote. Quelques personnes soutiennent même que frère Jonathan c’est John Bull dépouillé de son par-dessus, et c’est avec ce dicton américain que je prendrai congé cette fois de John Bull et de son frère Jonathan. On pourrait cependant étendre encore davantage la comparaison entre eux.
Mais je ne veux pas abuser de votre temps et peut-être de votre patience en continuant ces tableaux imparfaits. Veuillez les considérer comme quelques épis cueillis dans un champ immense. Quand j’aurai achevé ma course, quand je reviendrai près de vous, mon butin sera plus considérable. J’aurai visité les États septentrionaux de l’Union, les montagnes blanches du New-Hampshire, les Indiens du Minnesota et le grand Ouest, le grand, le merveilleux Ouest, comme disent les Occidentaux, et, entre les montagnes Rocheuses et de l’Alleghany, cette immense vallée du Missis-